Vendredi 18 novembre 2022
Edito
Stéphane Babey
Les athlètes de la corruption
A chaque attribution d’un événement sportif planétaire, les soupçons de corruption ne tardent pas à apparaître. Au lieu de s’en désoler, il serait peut-être temps d’envisager les choses sous un autre angle. En matière de dopage, des voix s’élèvent pour changer la donne. Au lieu de s’engager dans une lutte sans espoir car les tricheurs ont toujours une longueur d’avance, certains prônent l’adoption du dopage contrôlé comme partie intégrante de la pratique du sport de haut niveau. Ainsi, tous les athlètes seraient sur un pied d’égalité.
Pourquoi n’en ferait-on pas de même avec la corruption ? Il est illusoire de penser que la justice aura un jour raison du pouvoir de l’argent. C’est le pognon qui fait tourner le monde, et plus personne ne s’indigne des manœuvres obscènes qui ont cours dans le domaine économique, à part quelques gauchistes attardés qui ne veulent pas comprendre que le dieu Mammon a gagné depuis longtemps. Autant embrasser pleinement la toute-puissance du flouze pour se délecter du spectacle.
Car après tout, il faut bien reconnaître que les corrupteurs font preuve d’une ingéniosité stupéfiante pour arriver à leurs fins. Leurs manigances machiavéliques et coups tordus d’anthologie sont aussi palpitants que les péripéties des meilleures séries TV. Légalisons la corruption dans le sport, et les démarches menant à l’attribution d’un événement deviendront alors plus intéressantes que la compétition elle-même. Le jour de la révélation du pays gagnant sera attendu dans un suspense digne d’un concours de téléréalité. Et une fois le vainqueur désigné, il détaillera par le menu les mille et une entourloupes qui lui ont permis d’accomplir son exploit, suscitant ainsi l’admiration des foules.
Ne serait-ce pas l’aboutissement logique, dans un monde où spectacle et argent dirigent tout, que l’argent devienne finalement le spectacle ?