Le beau temps menace

« Dorénavant, ce que j’appelle du beau temps, c’est la pluie », confiait récemment en privé une agricultrice vaudoise. Ainsi les frasques climatiques ébranlent-elles jusqu’à la sagesse immémoriale qui, sous nos latitudes, revient à considérer que par temps chaud, ensoleillé et sec il fait beau, et que par temps frisquet, gris et humide il fait moche. Rien ne va plus et tout fout le camp.

De fait, la météo et ses accès de folie ont une fois de plus rythmé l’actualité estivale, au point d’en fournir les principaux titres : la sécheresse, des températures extrêmes ici ou là, le mois de juillet le plus chaud jamais mesuré sur Terre, des incendies gigantesques au Canada, à Hawaï, en Grèce et ailleurs, des troupeaux de touristes chassés par les flammes, des inondations diluviennes en Chine, en Norvège ou en Croatie, une tornade meurtrière à La Chaux-de-Fonds, on en passe et des pas meilleures. Lourd de fléaux climatiques, l’été l’a été.

C’est loin d’être fini. Tout se passe comme les scientifiques l’annoncent depuis longtemps, et selon eux ça ne va pas s’améliorer. On ne va pas vers le beau, quoi. Or au cours de cet été bigrement révélateur, comment s’est distingué le premier parti de Suisse, dont les ténors aiment à poser en chemise de vacher parmi les moyettes et dont les climatologues autoproclamés comme Roger Köppel, Jean-Luc Addor et consorts nient encore l’évidence du dérèglement ? Réponse : en attaquant violemment Météo Suisse pour une ponctuelle erreur d’estimation des températures, qui révèle selon eux une machination en vue d’entretenir la « psychose climatique ».

Voilà qui prouve que le bon sens universel reste globalement fiable : il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, quand le sage montre la lune l’imbécile regarde le doigt, et quand le tyranneau n’aime pas les nouvelles il fait exécuter le messager. C’est dire si, dans le cirque électoral qui commence, la sottise et la mauvaise foi risquent fort de faire encore la pluie et le beau temps.