Vendredi 10 novembre 2023
Edito
Philippe Clément
Le Doha dans un sale engrenage
En attribuant le grand raout 2022 du foot au Qatar, la FIFA s’était déjà pris une solide volée de bois vert. Dame ! En pleine crise du réchauffement climatique, aller planter des stades climatisés au milieu du désert n’était pas forcément l’idée du siècle. Et en tant qu’organe faîtier prônant fair-play et respect, accorder un blanc-seing à un régime autocratique sans la moindre culture footballistique, un émirat qui n’a pas plus hésité à exploiter une main-d’œuvre réduite à l’esclavage qu’à interdire toute forme d’ouverture et de tolérance, n’était pas signe d’intelligence non plus. On pensait que la leçon aurait servi.
C’est beau, l’optimisme. Beau mais inutile. Comme un but de la tête après un hors-jeu. Loin d’apprendre, Gianni Infantino persévère ! Manœuvrant en coulisses, il vient de lever le voile sur ce que plus personne n’ignorait : le foot mondial, à son plus haut niveau, est pourri. En claironnant urbi et orbi, avant même la décision officielle, que « le plus grand show sur terre » (sic) serait organisé en Arabie saoudite en 2034, le pape du ballon rond ne prend même plus la peine de simuler. Il balade son cirque, il éparpille le foot à sa guise, octroyant sa manne à qui sponsorise assez. Faisant fi de toute déontologie, de toute logique sportive.
A l’image de ses sinistres clowns milliardaires qui passent leur temps à se rouler par terre en se tenant l’œil quand on leur a frappé le genou, ou à faire des gestes obscènes durant les cérémonies de remise des prix, le calife du foot montre qu’il se place au-dessus de toutes les règles. Et comme personne ne semble en mesure de lui mettre un carton rouge, il ne nous reste qu’à revoir la définition de la Coupe du monde (le plus grand show sur terre, donc). Vous savez, ce truc qui se terminait par : «… et à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne ». A partir de dorénavant, ce sera «… et du début à la fin, c’est Infantino qui fixe les règles. Et qui les change. Et qui s’en tape. Et qui gagne, puisqu’il fait bien tout comme il veut. »
Décidément, la « nouvelle » FIFA est à l’image du pire de notre époque : un machin incontrôlable qui court à la catastrophe.