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Numéro 613

Vendredi 15 mars 2024

Edito

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Stéphane Babey

Le retour du printemps

Quel spectacle magnifique que la nature s’éveillant au sortir de l’hiver. Quelques bourgeons timides pointent fièrement à travers la terre sombre. Un lierre fantasque part à l’assaut d’un pan de mur écroulé, ses feuilles vertes offrant un contraste éclatant avec la grisaille qui règne encore. Une relative douceur imprègne l’atmosphère, presque incongrue après la très longue saison froide.

Une gerboise s’aventure avec prudence hors du couvert des arbres déracinés et pourrissants. Un rayon de soleil ténu perce les nuages noirs et vient frapper ses moustaches frétillantes. C’est un des premiers depuis cinq ans.

Comme pour contrarier ce signe d’espoir, une rafale de vent glacé vient balayer la cendre et fait fuir le petit mammifère, qui trouve refuge dans la carcasse rouillée d’une voiture dont les pneus fondus ont fusionné avec le bitume. Là, le rongeur trouve son bonheur. Parmi les ossements qui jonchent le siège du conducteur, fourmis et cafards s’affairent en tous sens. La gerboise ne sait plus où donner de la tête, gobant des insectes goulûment.

La vie grouille dans ce monde nouveau. Dans les hautes ramures d’un pylône électrique tordu colonisé par les lichens, un moineau à trois pattes aménage son nid. De loin en loin à travers les ruines retentissent des petits bruits annonçant la renaissance : craquements, piaillements, frottements, crissements.

Pendant une longue période, il n’y a eu que le bruit du vent mugissant à travers les fenêtres brisées et des pluies acides tombant sur l’herbe calcinée. Quant aux cliquetis des compteurs de radiation, cela fait déjà longtemps qu’ils se sont éteints, faute de batteries.

La Terre s’ébroue enfin après son interminable sommeil. Oui, vraiment, quel spectacle magnifique que la nature s’éveillant au sortir de l’hiver nucléaire.

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