Jeu dit ça, jeu dit rien

Avez-vous déjà joué au Négaloto ? Probablement pas, ce jeu d’argent n’existe que dans la ville de Verso, située quelque part aux antipodes de Las Vegas. Le principe est simple : vous vous présentez à un guichet chez votre buraliste, vous demandez un ou plusieurs billets de Toc-a-Toc, et on vous donne un franc par billet. Plutôt cool non ? Vous pouvez ainsi vous payer des timbres, des chewing-gums, un café, le journal ou ce que vous voudrez en fonction de la somme qu’on vous aura ainsi donnée, gratuitement. Le hic ? Ah oui, il y a une astuce tout de même. Sur les milliers de joueurs hebdomadaires au Négaloto, il y en a de temps en temps un qui n’a vraiment pas de bol et qui tire un billet perdant. Celui-là doit alors payer une grosse somme à la loterie, ça dépend du tirage, mais ça peut aller jusqu’à plusieurs millions. Oups !

Les visiteurs considèrent cette tradition locale comme assez farfelue. Qui est assez stupide pour tout risquer simplement pour avoir un café gratos ? Mais les habitants de Verso rétorquent que ce jeu leur procure régulièrement un petit frisson très agréable et donne « du goût à la vie ». Et dans la mesure où de toute façon les risques de perdre sont absolument infimes, quasiment personne n’y pense. En outre, si par malchance on perd, on peut rapidement « se refaire » en demandant des tas de Toc-a-Toc ! Non, en fait c’est notre système de loterie qui paraît totalement débile et irrationnel aux habitants de Verso. « Entre débourser un franc avec la quasi-certitude de ne rien gagner et empocher un franc avec la quasi-certitude de ne rien perdre, il n’y a pas photo ! » expliquent-ils à qui veut l’entendre.

Le Négaloto est l’invention de Roberto Casati et d’Achille Varzi, deux philosophes italiens connus pour leur excentricité. Ils n’en tirent aucune morale particulière (et probablement aucun gain non plus). C’est juste une fantaisie pour aiguiser la réflexion sur le concept de hasard. Mais on peut parier qu’à Verso, personne ne souffre d’addiction au jeu.