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Numéro 618

Vendredi 19 avril 2024

Edito

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Stéphane Babey

Pour une dépénalisation de la finance

A la suite de la débâcle de Credit Suisse et de son rachat par UBS, Karin Keller-Sutter a présenté la semaine passée un plan de renforcement des règles concernant les banques too big to fail. Les critiques ont immédiatement fusé du côté de la gauche, qui fustige l’absence d’une régulation stricte des bonus et qui prédit que le milieu financier va continuer à n’en faire qu’à sa tête.

En outre, on apprenait également que les cadres qui ont amené Credit Suisse au bord du gouffre tout en empochant 34 milliards de bonus en dix ans ne devront pas rendre l’argent. Ce serait trop compliqué, estime l’administration fédérale.

Il serait peut-être temps d’adopter une approche différente. Et de reconnaître que la Suisse doit tout à ses banquiers. C’est grâce à eux que notre pays est si prospère. Nous devrions leur être reconnaissants et arrêter de leur chercher des poux dans la tête ! Nos banques ont pris héroïquement tous les risques pour assurer notre richesse ! Accueillir l’argent des dictateurs, des criminels et des évadés fiscaux est une activité dangereuse ! Cela demande du sang-froid et n’est pas donné à tout le monde. Ces gens ont du cran ! Il est donc logique qu’ils reçoivent une récompense à la hauteur de leur bravoure.

Ce n’est pas de lois supplémentaires que le secteur a besoin. Au contraire, il faudrait plutôt décréter que les banquiers n’ont pas à répondre de leurs actes devant la loi. On pourrait ancrer dans la Constitution que ce métier est pourvu d’une immunité totale au nom de la bonne marche des affaires. Parce que de toute façon, c’est ce qui se passe dans les faits. Ça permettrait au Conseil fédéral de ne plus perdre son temps à concocter des réglementations qui ne servent à rien, et couperait court aux incessantes récriminations des citoyens et des médias. A défaut d’être irréprochable, la Suisse cesserait au moins d’être hypocrite.

Ce serait déjà ça de gagné.


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