Vendredi 24 mai
Edito
Philippe Clément
Le paradoxe du renouvelable à renouveler
Parmi les nombreux objets soumis au scrutin populaire, Suissesses et Suisses vont devoir se prononcer sur la loi sur l’électricité. Un enjeu colossal. Il s’agit, ni plus ni moins, d’assurer l’approvisionnement du pays pour les décennies à venir. Donc sa survie.
Parce qu’au XXIe siècle, la vie telle que nous la connaissons dépend entièrement de l’électricité. Tous les courriels, tous les paiements électroniques, les médias électroniques, les trains, les trolleybus et, désormais, les voitures et les vélos dépendent directement des térawattheures disponibles. Sans électricité, la vie moderne s’arrête. Un aller simple pour l’âge de pierre.
Emportée par le torrent du « progrès », l’Humanité a, petit à petit, sans trop s’en rendre vraiment compte, sacrifié sa liberté à une fée électricité qui, en retour, lui a fourni confort et chaleur.
Le « peuple », celui-là même qui doit voter, avait décidé lors d’une précédente votation de sortir du nucléaire. Une source d’énergie efficace mais hautement problématique, dont l’homme n’est jamais réellement parvenu à maîtriser ni les risques, ni les conséquences à long terme.
Le temps était au vert fixe, on rêvait d’une nature retrouvant sa virginité, de lendemains décarbonés et de campagne en ville. En oubliant un peu vite que le nucléaire avait un avantage majeur : un bouton sur lequel il suffisait d’appuyer pour avoir de l’électricité, jour et nuit, été comme hiver. Sans dépendre ni du pétrole, ni du charbon, ni de l’humeur d’un tsar du gaz.
Aujourd’hui, il va donc falloir décider si, au nom de notre dépendance au confort watté, nous sommes prêts à sacrifier un peu de nature, quelques pans de forêts et quelques kilomètres carrés de prairie à l’éolien ou au photovoltaïque. Parce que le principal défaut de l’énergie renouvelable, puisqu’on ne parvient pas à stocker efficacement les surplus produits durant les pics de soleil et de vent, c’est précisément qu’il faut sans cesse… la renouveler.