Vendredi 7 juin
Edito
Séverine André
Switzerland for sale
Et si nous vendions la Suisse ? Mais alors d’un coup : tac, comme ça, au plus offrant. Pas par petits morceaux, comme le font bon nombre de pays en ce moment, qui se délestent au fur et à mesure des prérogatives étatiques – éducation, télécommunication, transports, sécurité, santé, salubrité, entre autres exemples – pour les confier à des grosses fortunes étrangères, savamment déguisées en entreprises privées.
La France, modèle du genre, n’a bientôt plus pour elle que sa devise – Liberté, Egalité, Fraternité – dont elle n’hésitera pas à faire assurer la gestion par une multinationale, pour peu que les tarifs s’avèrent concurrentiels.
Plus frileuse que d’autres nations en matière de privatisation, la Suisse en prend néanmoins le chemin, avec l’hypothétique vente de Swisscom.
N’est-il pas temps, fier peuple suisse, de faire figure de précurseur? De voir, une fois n’est pas coutume, les choses en grand ?Au lieu de céder à la tendance de la vente au détail, cédons tout ! En une fois ! D’un seul bloc ! Territoire, infrastructures, traditions et gens. Afin que, comme nous l’appelons de nos vœux, notre rapport au monde ne soit plus organisé que par des logiques marchandes.
Bizarrement, pour pareille opération, l’accord de la population demeure – pour l’instant du moins – indispensable.
En termes juridiques, on parle de « droit à l’autodétermination ». Mais on ose imaginer que personne n’y verra d’objection.
Pourquoi nous vous racontons tout ça ? Parce que La Poste, libéralisée en 1990 mais toujours propriété de la Confédération, fermera 23 % de ses offices d’ici 2028. Invité à commenter ces annonces, Roberto Cirillo, son directeur général, explique de telles mesures par le fait que l’entreprise « s’adapte en permanence à l’évolution des besoins de la population et de l’économie ». Maintenant qu’elle s’est bien adaptée à l’économie, elle va donc concentrer l’essentiel de ses efforts futurs sur les besoins de la population. Enfin, on imagine, non ?