Vendredi 25 octobre
Edito
Laurent Flutsch
Le bail des vampires
Recherche assidue d’appartements, visites, dossier de candidature, attestations multiples, listes d’attente, puis en cas de succès versement de caution, trois loyers d’avance, état des lieux, emménagement, puis versement discipliné du loyer mensuel plus les charges… En Suisse, plus de 60 % des ménages doivent passer sous les fourches caudines des gérances pour trouver à se loger. Curieusement, ce peuple de locataires a pour représentants majoritaires à Berne des députés bourgeois qui, pour la plupart, sont des propriétaires. Enfin c’est ce qu’on présume, parce que bien sûr ce n’est affiché nulle part… Mais on voit assez mal les messieurs encravatés et les dames emperlées du PLR, ou les affairistes de l’UDC zurichoise, mendier péniblement un logis au guichet des gérances. D’autant que plusieurs de ces parlementaires sont actifs dans la promotion immobilière, ou sont liés à des sociétés, associations et lobbys dudit secteur. Drôle de démocratie : en la matière, c’est un peu comme si un peuple de frêles herbivores était représenté et régi par une majorité de grands carnassiers.
De fait, le festin est copieux. Omettant de réduire les loyers (ou les augmentant) alors que les taux d’intérêt sont au plus bas, le marché immobilier se goinfre : 42 milliards annuels de loyers encaissés, dont 10 milliards indus selon l’ASLOCA. Mais l’appétit vient en mangeant. La droite et les gros proprios spéculatifs trouvent ainsi le droit du bail trop rigide, trop protecteur pour les grouillots de locataires et sous-locataires, qui souvent rechignent à l’expulsion simple et rapide. C’est embêtant ! Il s’agit donc d’assouplir la loi pour pouvoir résilier plus facilement et reformuler plus fréquemment les baux. A la hausse, naturellement. De quoi saliver.
Les gazelles opposeront-elles un double non à la voracité des lions le 24 novembre ? C’est loin d’être acquis, la Suisse étant une savane étrange où les proies élisent les fauves et se font volontiers bouffer. Miam miam !